Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a entamé ce dimanche 6 avril 2025 une visite officielle à Alger, marquée par une rencontre avec le président Abdelmadjid Tebboune. Cette visite s’inscrit dans le cadre du réchauffement des relations bilatérales, après huit mois de tensions ayant frôlé la rupture entre les deux pays.
Arrivé en fin de matinée, M. Barrot a eu un entretien d’1h45 avec son homologue algérien Ahmed Attaf, dans un format élargi. L’objectif était de désamorcer les dossiers les plus sensibles. En début d’après-midi, il s’est entretenu avec le président Tebboune. Les échanges avec M. Attaf ont été qualifiés de « profonds, francs et constructifs », dans la continuité du dialogue entamé entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune. Les discussions ont porté sur des enjeux régionaux, la relation bilatérale, ainsi que les questions migratoires, selon une source diplomatique française.
Depuis l’appel téléphonique du 31 mars entre les deux chefs d’État, le dialogue bilatéral semble avoir retrouvé une dynamique positive, comme le souligne le journal algérien El Moudjahid.
Outre la question migratoire, Paris espère des avancées concrètes sur les volets sécuritaire et économique, a indiqué Jean-Noël Barrot.
La crise diplomatique entre l’Algérie et la France, sans précédent dans sa gravité, a éclaté à l’été 2024 après le soutien affirmé d’Emmanuel Macron au plan marocain d’autonomie du Sahara occidental – une position en contradiction avec celle d’Alger, soutien du Front Polisario. En réaction, l’Algérie avait rappelé son ambassadeur à Paris. À l’automne, l’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal pour atteinte présumée à l’intégrité territoriale a exacerbé les tensions. Ces dernières se sont intensifiées début 2025 après le refoulement par l’Algérie d’influenceurs visés par une demande d’expulsion française.
Le point culminant des tensions a été atteint fin février, lorsque le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a accusé l’Algérie après un attentat en France impliquant un ressortissant algérien faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire que l’Algérie avait refusé de prendre en charge.
Cependant, le dialogue semble avoir repris sur de nouvelles bases depuis que MM. Macron et Tebboune ont décidé de rétablir les liens. Selon Paris, une volonté commune existe désormais pour restaurer une relation apaisée et équilibrée.
La visite de M. Barrot vise à mettre en place un programme de travail ambitieux, accompagné d’un calendrier de mise en œuvre. Parmi les priorités françaises figure la relance de la coopération entre les services de renseignement, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel — une région limitrophe de l’Algérie — ainsi que sur le retour des jihadistes depuis la Syrie.
Autre point de vigilance pour la France : l’application stricte de l’accord bilatéral de 1994 concernant le retour des ressortissants algériens expulsés. Paris souhaite en accélérer le rythme, bien que la proportion de retours forcés vers l’Algérie ait déjà été plus élevée qu’avec d’autres pays en 2024, selon la Direction générale des étrangers.
Pour Alger, le soutien de la France dans ses discussions avec Bruxelles en vue de réviser le Partenariat avec l’Union européenne est un enjeu majeur. De son côté, Paris s’inquiète pour l’avenir des quelque 6.000 entreprises françaises implantées en Algérie.
Les deux pays devraient également discuter d’un accord d’exemption réciproque de visas diplomatiques, suite aux restrictions imposées par Paris en représailles au refus d’Alger de reprendre certains de ses ressortissants.
Le cas de Boualem Sansal pourrait aussi être abordé. Emmanuel Macron a plaidé auprès du président Tebboune pour une solution humanitaire en faveur de l’écrivain octogénaire, atteint d’un cancer et condamné à cinq ans de prison le 27 mars.
Le parquet algérien, qui avait requis dix ans de prison, a fait appel du jugement. Selon des avocats à Alger, une réduction de peine, voire une grâce présidentielle, pourrait permettre une libération anticipée.