L’ancien ministre et diplomate algérien Abdelaziz Rahabi, dans un entretien avec la chaine française France 24 à travers visioconférence a indiqué que la crise actuelle entre l’Algérie et la France est l’une des plus graves entre les deux pays.

Interrogé sur les facteurs qui ont alimenté la crise actuelle, notamment la question des expulsions des personnes sous OQTF (Obligation de quitter le territoire français), M. Rahabi a affirmé qu’il y a « véritablement une exagération ».

« L’Algérie a délivré en 2024 près de 3000 laissez-passer consulaires, ce qui représente à peu près un taux de satisfaction de la demande française de 42 à 43 %. C’est exactement dans les mêmes termes que pour les autres pays d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne. Mais pourquoi le débat porté uniquement sur ce sujet, sur cette question des OQTF ? », s’est interrogé Rahabi.  

« Nous avons un sentiment en Algérie que c’est un débat qui est dirigé contre l’Algérie. Bien sûr, c’est un débat qui est destiné à promouvoir une rente électorale en France », a-t-il assigné.

L’ancien ministre a affirmé aussi que « le débat sur la question de l’immigration est très mauvais pour notre communauté parce que ça la met sous pression, ça la met sous tension, ça la met sous suspicion. Et c’est extrêmement mauvais pour l’image du pays parce qu’en France, on donne le sentiment que les délinquances se sont les Algériens, les OQTF se sont les Algériens ».

M. Rahabi a affirmé « qu’il y a véritablement une sorte de focalisation sur l’Algérie qui n’est pas très honnête et qui laisse les gens valablement poser des questions ».

Évoquant l’ultimatum lancé par le premier ministre français François Bayrou à l’Algérie, M. Rahabi a que les Etats qui ont des relations diplomatiques, ne sont pas en guerre et ne sont pas belligérants et n’utilisent pas ce langage.

« Il y a une sorte de privatisation de la question algérienne en France »

L’ancien diplomate a indiqué qu’il y a une sorte de privatisation de la question algérienne en France.

« C’est le ministre de l’Intérieur qui parle de l’Algérie, c’est le premier ministre qui parle de l’Algérie. Nous avons le sentiment que nous sommes revenus au temps des colonies. L’Algérie n’est pas une question de politique française, c’est une question avant tout diplomatique ».

Concernant la démarche du président français Emmanuel Macron de reconnaître la « Marocanité » du Sahara occidental, M. Rahabi a affirmé que la France, en reconnaissant la marocanité du Sahara occidental, a perdu son rôle de modérateur au Maghreb, a perdu son rôle d’arbitre.

« En prenant position avec le Maroc, la France a choisi son camp au Maghreb. Pour nous, les Algériens, les choses sont claires. Dans la poursuite de la conception maghrébine, dans les questions inter-maghrébines, la France aura peu de voix après avoir pris cette position », a-t-il ajouté.

Pour l’ancien ministre, la décision de la France sur le Sahara occidental n’est pas autonome.

« Beaucoup de lobbies, beaucoup de nostalgiques de l’Algérie française, de droite, extrême-droite, tous ceux qui ont intérêt à ce que la France n’ait pas de bonnes relations avec l’Algérie, interfèrent dans la prise de décision française. Ce qui est regrettable, c’est qu’il y a très peu de bonne volonté. On ne voit pas l’expression de bonne volonté en mesure de faciliter un apaisement entre les deux pays.

« Nous n’allons pas vers la rupture »

Sur l’hypothèse de rupture entre les deux pays, M. Rahabi a affirmé que l’Algérie et la France ne vont pas dans cette voie.

« Nous n’allons pas vers la rupture. La question de notre communauté en France est centrale. Elle est déterminante, nous privilégions la sérénité, la sécurité de notre communauté. Je ne pense pas que l’Algérie cherche l’escalade. Je ne pense pas que l’Algérie cherche la rupture. Par contre, il est très difficile de supporter une telle pression. Nous avons le sentiment que notre pays est devenu une question de politique intérieure. C’est ça qui est insupportable aux yeux des Algériens », a-t-il dénoncé.

M. Rahabi a indiqué aussi que la France peut choisir les procédures prévues dans les conventions avec l’Algérie pour réviser et ou dénoncer des accords dont ceux de 1968.

« Les conventions internationales que nous avons avec la France, si elles sont respectées ou très peu respectées, peuvent faire l’objet de discussions, peuvent faire l’objet de révisions. Elles peuvent même être dénoncées, mais elles ne peuvent pas être portées sur la place publique », ajoute encore le diplomate.  

Il a indiqué aussi sur les OQTF ou sur Boualem Sansal que ces questions il ne faut pas qu’elles deviennent centrales. « Il faut aborder les relations algériennes-françaises dans un contexte global qui est dense, qui est humain, qui est économique, qui est stratégique. Il y a des relations de voisinage », a-t-il soutenu.