Les rebelles syriens ont annoncé dimanche à la télévision d’Etat avoir mis fin au régime de Bachar al Assad, forçant ce dernier au pouvoir depuis 24 ans à fuir, après plus de 13 ans de guerre civile.

Cette annonce intervient au terme d’une offensive éclair qui fait craindre une nouvelle vague d’instabilité dans un Moyen-Orient en proie à la guerre.

Les rebelles syriens ont également porté indirectement un coup dur à la Russie et à l’Iran, deux pays qui soutenaient Bachar al Assad et disposent d’une grande influence dans la région.

Les rebelles ont dit être entrés dans la capitale syrienne sans aucun signe de déploiement militaire. Des milliers de personnes en voiture et à pied se sont rassemblées sur une grande artère, agitant les mains et scandant « Liberté » après un demi-siècle de règne de la famille Assad, ont rapporté des témoins.

Des manifestants ont été vus à l’intérieur du palais présidentiel d’Al Rawda, des personnes sortant avec des meubles. Les rebelles ont déclaré que des prisonniers avaient été libérés d’un important centre de détention à la périphérie de Damas où le gouvernement syrien avait enfermé des milliers de personnes.

« Nous célébrons avec le peuple syrien la nouvelle de la libération de nos prisonniers et de la libération de leurs chaînes », ont dit les rebelles.

L’ambassade d’Iran a par ailleurs été prise d’assaut par des rebelles syriens, a rapporté la chaîne de télévision iranienne anglophone Press TV.

Le Hezbollah, qui a apporté un soutien crucial à Bachar Assad pendant des années, a retiré toutes ses forces de Syrie samedi au moment où les rebelles s’approchaient de Damas, ont rapporté dimanche à Reuters deux sources au sein de la sécurité libanaise.

ASSAD VERS UNE DESTINATION INCONNUE

Le commandement de l’armée syrienne a informé dimanche ses officiers de la fin du régime de Bachar al Assad, a déclaré à Reuters un officier syrien qui avait été informé de cette décision. Mais l’armée syrienne a ensuite déclaré qu’elle poursuivait ses opérations contre les « groupes terroristes » dans les villes stratégiques de Hama et de Homs et dans la province de Deraa.

Bachar al Assad, qui ne s’est pas exprimé en public depuis l’avancée éclair des rebelles il y a une semaine, a quitté Damas dimanche pour une destination inconnue, ont rapporté à Reuters deux responsables de l’armée.

On ignore où se trouvent actuellement Bachar al Assad, son épouse Asma et leurs deux enfants. Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que Bachar al Assad avait quitté le pouvoir et son pays après avoir donné l’ordre de procéder à une passation de pouvoir pacifique.

La coalition rebelle syrienne a déclaré qu’elle poursuivait ses travaux pour achever le transfert du pouvoir en Syrie à un organe de gouvernement de transition doté de pleins pouvoirs exécutifs.

« La grande révolution syrienne est passée du stade de la lutte pour renverser le régime d’Assad à la lutte pour construire ensemble une Syrie digne des sacrifices de son peuple », a-t-elle dit dans un communiqué.

Le Premier ministre Mohammad Ghazi al Jalali a déclaré que son pays devrait organiser des élections libres afin que les Syriens puissent choisir leurs dirigeants. Mais cela nécessitera une transition en douceur dans un pays où les intérêts sont complexes et divergents, allant des islamistes aux groupes liés aux Etats-Unis, à la Russie et à la Turquie.

Mohammad Ghazi al Jalali a également dit avoir été en contact avec le commandant rebelle Abou Mohammed al Golani pour discuter de la manière de gérer la période de transition actuelle, marquant une évolution notable dans les initiatives visant à façonner l’avenir politique de la Syrie.

L’effondrement du régime de Bachar al Assad fait suite à un changement dans l’équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient après que de nombreux dirigeants du Hezbollah libanais, soutenu par l’Iran, pilier de la force de combat du président syrien, ont été tués par Israël au cours des deux derniers mois.

STABILISER LA SYRIE

Les forces syriennes, soutenues par la Turquie, ont pris le contrôle d’environ 80% de la région de Manbij, dans le nord de la Syrie, et sont proches de la victoire contre les forces kurdes, a déclaré une source de sécurité turque.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s’est entretenu samedi à Doha avec Geir Pedersen, l’émissaire de l’Onu pour la Syrie. Les deux hommes ont discuté des éventuelles mesures à prendre pour stabiliser la situation en Syrie, a rapporté dimanche l’agence de presse Interfax.

Les Syriens devront faire face seuls à une guerre civile à grande échelle, a prévenu Konstantin Kossachiov, vice-président de la chambre haute du Parlement russe.

Les ressources militaires de la Russie étant désormais concentrées en Ukraine, la capacité de Moscou à influer sur le terrain en Syrie est limitée.

Le président élu américain Donald Trump a estimé que la Russie avait abandonné Bachar al Assad en raison de la guerre en l’Ukraine.

Les Etats-Unis continueront de maintenir leur présence dans l’est de la Syrie et prendront les mesures nécessaires pour empêcher une résurgence de l’Etat islamique, a dit pour sa part dimanche le secrétaire adjoint à la Défense pour le Moyen-Orient, Daniel Shapiro, lors de la conférence du Dialogue de Manama, qui s’est tenue dans la capitale de Bahreïn.

Avant sa défaite, l’Etat islamique imposait un règne de terreur dans de vastes zones de Syrie et d’Irak.

Lors d’une conférence à Doha, le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan a déclaré que les « organisations terroristes » ne devaient pas être autorisées à profiter de la situation en Syrie et a appelé tout le monde à agir avec prudence.

Des pays comme les Emirats arabes unis et l’Egypte, tous deux proches alliés des Etats-Unis, considèrent les groupes militants islamistes comme une menace existentielle.

« JOURNÉE HISTORIQUE »

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a salué dimanche l’éviction du président syrien, parlant d’une « journée historique » qui fait suite aux coups portés par Israël à l’endroit des soutiens de Bachar al Assad, l’Iran et le Hezbollah libanais.

« L’Etat de barbarie est tombé. Enfin », a écrit sur le réseau social X le président français Emmanuel Macron, tandis que la France a salué la chute du régime du président syrien et appelé à la fin des combats, ainsi qu’à une transition politique pacifique dans le pays.

La guerre civile en Syrie, qui a éclaté en 2011 sous la forme d’un soulèvement contre le régime de Bachar al Assad, a entraîné l’intervention de grandes puissances extérieures et provoqué un afflux de millions de réfugiés dans les Etats voisins.

Les lignes de front de la guerre civile en Syrie sont restées inactives pendant des années. Puis des islamistes autrefois affiliés à Al Qaïda sont soudainement entrés en action, posant un défi majeur à Bachar al Assad, qui avait survécu à des années de guerre et d’isolement international avec l’aide de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah libanais.

Reuters